Nous vous parlons aujourd’hui d’un projet de R&D sur lequel notre équipe travaille depuis plusieurs mois : l’estimation du débit des cours d’eau, rendue possible en combinant le champ de vitesses de surface, la hauteur d’eau et la géométrie du cours d’eau. Cette avancée majeure constitue le socle d’un système novateur de prévision des cours d’eau et une avancée majeure vers la réduction de la vulnérabilité aux risques liés à l’eau.
L’intérêt de connaître le débit d’un cours d’eau
Pour connaître un cours d’eau, il y a deux critères importants à évaluer : sa qualité et sa quantité. Après vous avoir parlé de notre travail sur la mesure de la qualité de l’eau, nous vous parlons aujourd’hui de nos avancées sur les mesures quantitatives. Pour cela, il y a une métrique principale à mesurer : son débit, c’est-à-dire le volume d’eau passant à travers la section d’un cours d’eau.
La connaissance du débit d’un cours d’eau est importante pour de nombreux usages : la caractérisation des crues (ou des étiages, des périodes de sécheresse), la gestion des ouvrages hydrauliques, l’agriculture (via l’irrigation), la survie des espèces aquatiques et bien d’autres sujets. Cette connaissance est d’autant plus importante pour répondre à des enjeux plus globaux comme le réchauffement climatique, le partage de l’eau ou la biodiversité.
Les techniques actuelles de mesure de débit
Actuellement, aucune méthode ou instrument universel ne prévaut pour la mesure du débit. Le choix entre diverses méthodes repose sur une multitude de facteurs tels que la disponibilité des ressources, la précision requise et les caractéristiques morphologiques spécifiques au cours d’eau.
Les différentes méthodes existantes sont :
- Les méthodes de jaugeage par exploration du champ de vitesse (les plus répandues) : Celles-ci consistent à explorer le champs de vitesse, c’est à dire que les vitesses d’écoulement sont mesurées en plusieurs points de la section d’écoulement (horizontalement et verticalement). Pour cela, il existe de nombreuses méthodes, les principales étant la méthode du moulinet hydrométrique (mesure de la vitesse du courant du cours d’eau grâce à une hélice tournant proportionnellement à la vitesse locale du courant), la méthode ADCP (qui repose sur l’effet Doppler et consiste à émettre des impulsions acoustiques dans l’eau et analyser les changements de leur fréquence à la réception), les stations de jaugeage (installations permanentes équipées d’instruments de mesure du débit. Ces stations peuvent inclure des capteurs de pression, des capteurs acoustiques, des capteurs électromagnétiques, etc.) ou les systèmes de télédétection par satellite (utilisation de données satellitaires pour surveiller les variations de surface de l’eau, permettant des estimations du débit, bien que cela soit plus couramment utilisé pour des grands cours d’eau ou des zones étendues).
- La méthode de jaugeage par dilution de traceur : celle-ci s’appuie sur l’introduction contrôlée d’un produit chimique, tel que du sel ou un traceur coloré, dans le cours d’eau. L’évaluation du degré de dilution de ce traceur permet ensuite de calculer le débit du cours d’eau en mesurant la concentration du traceur à une distance suffisante du point d’injection, où le mélange du traceur est considéré comme complet. Cette approche se révèle pertinente pour des débits relativement modestes, atteignant quelques mètres cubes par seconde, et s’avère particulièrement adaptée à des écoulements turbulents favorisant une dispersion efficace du traceur.
- La méthode de jaugeage par capacité consiste à évaluer le débit d’un cours d’eau en mesurant le temps requis pour remplir un récipient de volume préalablement déterminé. Bien que cette approche offre une mesure directe du débit, il convient de noter que sa gamme d’application est relativement restreinte, limitée par des contraintes inhérentes à la méthode. De plus, sa mise en œuvre, particulièrement en milieu fluvial, peut se révéler complexe en raison de divers facteurs opérationnels.
L’association de la vitesse mesurée avec la superficie occupée par la section d’écoulement permet de reconstituer le débit instantané de façon ponctuelle. En répétant ces mesures dans différentes conditions hydrologiques et en les reliant à la hauteur d’eau au moment de leur réalisation, des courbes de tarage sont établies. Bien qu’elles permettent d’obtenir une estimation du débit à partir d’une simple mesure de la hauteur d’eau, ces courbes requièrent des mises à jour régulières. En effet, la forme du lit des cours d’eau peut être amenée à évoluer dans le temps en fonction de divers facteurs tels que la végétation, l’intervention humaine, les crues, etc.
Notre approche : la combinaison de données déjà mesurées par les micro-stations vorteX-io…
Nos micro-stations fournissent déjà deux données essentielles en temps réel : la hauteur d’eau et la vitesse d’écoulement en surface.
La précision de la mesure de la hauteur d’eau est assurée par un LiDAR, permettant une mesure centimétrique sans contact avec le cours d’eau et sans dérive de la mesure dans le temps (grâce à l’usage de la technologie LiDAR). Comme les micro-stations vorteX-io sont fermement fixées sur de solides structures telles que des ponts, les besoins de maintenance sont largement réduits et la qualité des mesures améliorées.
En ce qui concerne la vitesse d’écoulement en surface, celle-ci est évaluée par l’application d’un algorithme sur les prises de vues vidéos capturées par les micro-stations. Cette approche, fondée sur une technologie de pointe, permet d’obtenir une estimation précise et fiable de la vitesse du courant en surface.
… et d’une nouvelle innovation
L’élément qu’il reste à déterminer est donc la géométrie de la section d’écoulement, une information essentielle pour quantifier le volume d’eau en transit et, par conséquent, pour générer une estimation du débit.
Par défaut, les micro-stations vorteX-io ne fournissent pas la bathymétrie. Cependant, l’utilisation d’un processus itératif permet de palier ce manque. Nous utilisons un algorithme de Machine Learning, que nous avons préalablement et longuement optimisé, pour identifier les zones occupées par l’eau dans les images capturées. Cette détection automatique permet de créer un “masque d’eau”, pour ne garder que la surface de l’image réellement occupée par l’eau. Étant donné que la hauteur d’eau est connue pour chaque image, cela permet de calculer la géométrie plane du cours d’eau à cette hauteur spécifique. En combinant les mesures de hauteur d’eau et l’historique complet des prises de vues à différents niveaux, il devient alors possible de reconstituer la géométrie précise occupée par la surface de l’eau par “strates” horizontales superposées.
Cette approche permet non seulement la mise à jour de la bathymétrie au plus près du terrain, mais elle garantit également des mesures de débit constamment actualisées. Cette méthode révolutionnaire garantit la précision des estimations de débit ainsi obtenues par les micro-stations du réseau vorteX-io.
Transformer ces mesures en estimation de débit
L’association du champ de vitesses de surface, de la hauteur d’eau et de la géométrie du cours d’eau permet ensuite de réaliser une estimation précise du débit d’écoulement sous la micro-station.
Cette estimation joue un rôle crucial dans l’établissement et la mise à jour des courbes de tarage spécifiques à chaque station. Ces courbes permettent ainsi de fournir une estimation du débit en corrélation avec la hauteur d’eau mesurée, même lorsque les conditions de prises de vues ne permettent pas une évaluation directe des vitesses d’écoulement. Ainsi, nous pourrons fournir le débit d’un cours d’eau à la même fréquence que les autres données que nous mesurons : c’est à dire une à quatre fois par heure en temps normal et de quatre à six fois par heure en cas de dépassement de seuil (ces fréquences sont définies par l’utilisateur).
L’estimation en temps réel du débit des cours d’eau permis par ces mesures représente une avancée majeure pour l’hydrologie continentale et les applications qui en découlent sont nombreuses et importantes. Cette innovation permettra sous peu d’améliorer la prévention des risques naturels liés à l’eau (inondations et sécheresses) mais aussi d’améliorer la gestion de la ressource en eau, que ce soit au niveau local ou à très grande échelle.
La perpétuelle amélioration de cette connaissance constitue le fondement même du développement d’un tout premier système de prévision des cours d’eau déployé par vorteX-io en Europe à travers son projet WHYLD.
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